3%
Ce que dit Luc et que le micro très mal placé n’a pas capté :
Je suis fils d’ouvrier et je me rappelle – il se trouvait que ça allait assez bien à l’école – quand ma mère me disait : « écoute, toi tu seras peut être ouvrier comme ton père mais au moins tu sauras t’exprimer face au patron ». Donc il y avait cette chose là, c’est-à-dire qu’on puisse au moins s’exprimer.
Et moi, ce que j’ignorais, c’est qu’au delà du fait de s’exprimer qui est de première importance – je le vois comme syndicaliste quand on file un coup de main – ça peut être tout simplement faire une lettre, non pas que les personnes ne sachent pas écrire, ça, ça peut arriver, mais elles ne savent pas écrire à leur patron. Si moi je fais une lettre pour le syndicat, dans la semaine j’aurai la réponse. Donc, savoir s’exprimer c’est la première chose.
Mais quand on en est à ce niveau là, et qu’on en est toujours à ce niveau là, et qu’on voit le pas qu’il faut faire, c’est-à-dire pas seulement s’exprimer mais savoir aussi réfléchir avec les autres, savoir chercher l’information, rentrer dans des processus de décisions, de délibérations, l’école ne t’a rien donné là-dessus. Je l’ai déjà dit, mais c’est vrai qu’on a l’impression qu’aujourd’hui l’école te formate pour les besoins du marché du travail, point. Et fondamentalement là aussi, le travail c’est quelque chose qui est une activité complexe.
Mais aujourd’hui pour n’importe qui, un travailleur, une salariée du nettoyage, quand ils font du nettoyage à 5h du matin dans une boite, ils ne sont pas simplement une espèce de bras qui tient un aspirateur ou tel autre un instrument. Ils savent pourquoi ils sont là. Comment ça se fait. Comment ils se font avoir aussi. Enfin je veux dire, il y a des finalités, il y a un tas de choses qui se mettent en place. Mais dans la société actuelle, ces personnes sont absolument coupées de tout ce qui peut être une décision, à part de savoir, si à ce moment là elles vont passer (utiliser ? ) ou pas leur instrument.
[noir]
Il n’y a pas de société où il n’y ait pas quelque chose de l’ordre de l’action contre. C’est pour ça que je dis qu’il n’y a pas de société à la Big Brother. Je pense que le roman d’Orwell est un magnifique roman, mais on voit bien dans l’histoire que ce type de société, heureusement, ne peut pas rester bien longtemps en place. Il y a toujours eu à améliorer, il y a toujours des formes de contre-actions.
Question : Et donc il y a toujours des gens qui ne réagissent pas mais qui ne sont pas forcément contents non plus ?
Oui. Oui, là on tombe sur le problème, comment dire, le problème inverse ; c’est-à-dire que les gens qui ne sont pas contents mais qui n’agissent pas, c’est-à-dire qui ne se mettent pas en situation d’agir, c’est-à-dire encore une fois, de prendre contact avec d’autres personnes, de réaliser des choses ensemble… ça c’est la graine du fascisme.
C’est-à-dire que ce sont des gens qui à ce moment-là ne sont pas contents et demandent à ce qu’un pouvoir fort les débarrasse de leur mécontentement ; et donc ils ne prennent absolument pas en charge leurs affaires, et là, ils délèguent du pouvoir. Ils délèguent du pouvoir parce que là ils ont une manière de protestation qui est de l’ordre de la faiblesse totale. C’est l’impuissance qui devient une puissance, parce que là on est ; non pas dans l’ordre de la délégation du pouvoir qu’on aurait pas, mais dans l’ordre de la délégation d’un pouvoir qu’on veut fort.
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C’est quand les choses vont plutôt bien économiquement qu’il y a les mouvements sociaux les plus intéressants. La plus grande grève générale en France a eu lieu en 68. 68 c’est 2% de chômage, et encore. C’est parce que quand on se sent fort en tant que salarié, qu’on a envie de poser des vrais problèmes qui sont des problèmes qualitatifs. Derrière la question de savoir le revenu, c’est de vivre un peu mieux, d’être un peu moins dans la galère.La période des années 68-70 c’est la période où on pose le problème de l’autogestion, de vivre et travailler au pays, de « je n’en peux plus de travailler 8h sur la chaîne » etc… Enfin bon, donc on pose des problèmes qualitatifs.
Quand tu es dans des périodes de crise comme aujourd’hui ; crise pour nous, par pour les patrons – pour ce qu’on appelle le capital, il va très très bien. Donc, quand on est dans des périodes de crise comme on les vit depuis maintenant plus de 20 ans, et bien le qualitatif passe à la baisse, on est dans le domaine de la survie. Et l’idée quand même, enfin pour moi l’idée importante, c’est comment on passe justement au qualitatif, c’est-a-dire comment on se pose des questions sur nos vies…
9 commentaires »
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dommage pour le son, on a pas tout compris du message… Appel pour du prêt de matos pro auprès du peuple !!
Sinon, Ici, On fait passer l’adresse du site et on attend toutes les suites !
Commentaire par YL — Lundi 29 janvier 2007 @ 21:48
merci – effectivement le son est pourri.
Mais ca vaut le coup de tendre son oreille,
de remettre en arriere jusqu’a comprehension.
Un grande conscience mise en mots,
comme jamais je n’aurai pu l’exprimer.
Parce que ma conscience a moi, elle a failli passer a la trappe.
Et devinez quoi ? A cause de mon education post-bac…
Alors, merci Luc…et la famille digitale !
Commentaire par kremayere — Mardi 30 janvier 2007 @ 1:46
juste bravo! je viens de voir les 4 premiers films, continuez comme ça, désolé de remarquer aussi la piètre qualité du son qui ne rend pas hommage aux paroles de luc!
Commentaire par jul — Mardi 30 janvier 2007 @ 12:41
Ca a l’ air interessant, mais le son est tellement mauvais que je n’ ai pas pu tout choper.
Pourriez vous faire qqch?
Sinon, bravo pour cette super initiative. Je serai au rendez vous sur le net, tous les jours.
Julie
Commentaire par julie — Mardi 30 janvier 2007 @ 14:38
30 janvier. Ah vraiment il est très fort ce Luc, bravo, pour ses rélexions, ses analyses, c’est très interessant. Et bravo à 100 jours qui pour pallier à la mauvaise qualité du son n’a pas hésité à tout retranscrire, merci. C’est courageux, humble, respectueux, chapeau bas mesdemoiselles.
Quant à ses propos deux points m’ont interpellé.
On élude trop souvent le vote Le Pen en évoquant le vote de protestation : on ne voterait pas pour un candidat, mais contre un autre plutôt que de s’abstenir. Luc nous rappelle qu’il y a aussi des votes d’adhésion. Par des gens qui pensent, sentent qu’ils sont inquiets, pas entendus et sans désir d’agir. Ils peuvent ,alors, avoir l’envie d’un pouvoir fort, d’un « chef » qui remette de l’ordre dans leur vie, dans notre vie.
Brrr.. un courant d’air glacial traverse la pièce.
Par contre à propos de l’école je ne suis pas trop d’accord. Faire une école au service de l’entreprise c’est ce que certains aimeraient, ils essaient aujourd’hui de casser l’école, de dévaloriser les profs et les instits. Pourtant l’école n’a jamais eu vocation à former à des métiers -il y a pour cela les filieres pro : apprentissage, alternance, écoles spécialisées, formation d’entreprise- mais a donner les moyens aux jeunes de s’exprimer par eux-mêmes, d’acquérir les moyens de réflexions, une ouverture sur les et la « culture ».
Pourquoi croyez-vous que l’on veuille supprimer les cours de philo ou de dessin ?
Commentaire par yvalin — Mercredi 31 janvier 2007 @ 0:13
trop bien,un discours clairs et plein d’humanité, bravo d’avoir tout retranscrit pour ne rien gaspiller de toutes ces émotions…On chemine avec tous !
Commentaire par Satochat — Mercredi 31 janvier 2007 @ 2:31
J’ai vu (ou supporté) ce documentaire projeté au Dietrich la semaine dernière. L’intention est louable, pourquoi pas, mais quand on décide de s’engager dans une cause et plus précisément dans une forme de communication – ici le documentaire – il serait bon d’acquérir un minimum de connaissances techniques qui font la base de la communication par l’image et le son : le montage, la prise de son (propre s’il vous plaît), l’éclairage… Tout moyen d’expression, quel qu’il soit, doit pouvoir susciter le désir chez le spectateur. La vue de cet épisode ne m’a procuré qu’une seule envie : celle de quitter la salle. C’est bien dommage quand on veut faire passer un message.
J’ai malheureusement constaté ce problème sur l’ensemble des projets réalisés, quel désastre !
Commentaire par Sylvain — Mercredi 7 février 2007 @ 21:48
Sylvain,
je suis active dans une association normande. Et la plus grande difficulte en ce qui concerne le medium film est avant tout le materiel et en particulier son cout.
juste un conseil….relis les propos de luc ci-dessus !
est-ce trop de faire un effort auditif dans notre monde de 2007 dans lequel la forme prime sur le fond ?
Commentaire par kremayere — Jeudi 8 février 2007 @ 0:42
La classe, les poitevins, c’est bien ce que vous faites :)
Le passage sur l’école me fait songer à cet article « La scolarisation à l’ordre marchand » :
http://decroissance.info/La-scolarisation-a-l-ordre
Commentaire par Un poitevin à Paris — Vendredi 16 février 2007 @ 11:31