Le projet
Une série documentaire initiée par Isabelle Taveneau, Odile Magniez et Zoé Liénard produite par La Famille Digitale.
La perte politique
Pour beaucoup de gens la véritable perte du sens politique c’est de rejoindre une formation de parti, subir sa règle, sa loi. Pour beaucoup de gens aussi quand ils parlent d’apolitisme, ils parlent avant tout d’une perte ou d’un manque idéologique. Je ne sais pas pour vous ce que vous en pensez. Pour moi la perte politique c´est avant tout la perte de soi, la perte de sa colère autant que celle de sa douceur, la perte de sa haine, de sa faculté de haine autant que celle de sa faculté d´aimer, la perte de son imprudence autant que celle de sa modération, la perte d’ un excès autant que la perte d’une mesure, la perte de sa folie, de sa naïveté, la perte de son courage comme celle de sa lâcheté, que celle de son épouvante devant toute chose autant que celle de sa confiance, la perte de ses pleurs comme celle de sa joie. C’est ce que je pense moi.
Marguerite Duras. Les yeux verts. Cahiers du cinéma. Juin 1980
100jours : 100 films documentaires, du 26 janvier au 7 mai 2007.
Le 22 avril 2007 auront lieu les élections présidentielles en France. 15 jours plus tard l’identité des nouveaux responsables politiques du pays nous sera dévoilée.
Nous avons décidé d’utiliser cette date comme point de départ à une série documentaire qui propose de réfléchir sur le politique. Les élections présidentielles sont notre prétexte pour aborder, d’un point de vue pluriel, toutes les facettes que le politique peut revêtir dans la vie des gens, depuis le « simple » geste de voter jusqu’à des postures plus intimes, complexes ou radicales.
100jours est une approche de la politique à travers 100 films documentaires courts (maximum 5 minutes), qui sont diffusés les 100 jours précédents le résultat final des élections présidentielles. Il s’agit d’un projet collectif dans lequel plusieurs réalisateurs et réalisatrices sont amenés à créer un ou des documentaires sur des personnes qu’ils ont choisies pour le rapport personnel qu’ils ou elles entretiennent avec la politique, dans son sens le plus large.
Si nous choisissons cette période déjà abondamment médiatisée pour parler de politique, c’est pour l’aborder autrement : en fuyant d’une part le spectaculaire, le sensationnel, et en évitant d’autre part le côté superficiel que pourrait avoir une sorte de « maxi- micro-trottoir ».
Il s’agit, dans une période précise et décisive de la vie démocratique, de créer, avant, pendant ou après la diffusion de chaque film, de petits espaces-temps politiques faits de rencontres, de débats, de prise de position, de résistances, d’espoirs, ou encore de témoignage de leur absence…
Les films sont le résultat de l’interaction entre le ou les personnes filmées et le cinéaste. Nous attendons un résultat créatif et libre, issu d’une réflexion sérieuse et profonde basée sur l’engagement de chaque réalisateur et réalisatrice dans son œuvre, et au cœur du projet où chaque film viendra s’articuler aux autres.
Faire des films sur le rapport des personnes avec la / le politique, c’est aussi essayer de mettre en pratique dans leur réalisation même un certain rapport au collectif, au partage des tâches et des responsabilités, à l’autonomie de chacun en même temps qu’un souci commun de s’investir dans un projet et de le mener jusqu’à son terme.
100jours est un projet ambitieux, qui propose tout à la fois de rompre avec la forme traditionnelle d’une production filmique en deux temps, tournage puis diffusion, en mêlant dans la même période réalisation des films et diffusion (les films étant diffusés au fur et à mesure qu’ils seront terminés), et dont le principe même se fonde sur un travail collectif regroupant plus d’une quarantaine de réalisateurs, un grand nombres de personnes et d’associations engagées dans la création et la diffusion des films et une centaine de personnes filmées.
Projet filmique collectif dans sa conception et sa réalisation, 100jours l’est aussi dans sa diffusion que nous espérons la plus large possible à travers Internet (sur le site 100jours.org, des salles de cinéma (le Dietrich à Poitiers), dans des maisons de quartier (MJC Aliénor d’Aquitaine, Cap Sud, Le Local), lieux culturels (Espace Mendes France, Chapelle des Gaillards) et festivals (Campus en fête et Sonnette à son Pied) de Poitiers.
Nous souhaitons que ces films suscitent des discussions durant leur réalisation, mais aussi lors de leur diffusion. Nous envisageons l’organisation de débats, de rencontres autour des films, permettant de développer les questions soulevées par les portraits, d’amener le public à partager ses impressions et sentiments (entre spectateurs et avec les réalisateurs présents), et d’associer si besoin de nouvelles personnes au projet.
Le film final, c’est à dire les 100 portraits, sera un objet politique non seulement par le thème qu’il traite, par la manière collective dont nous voulons le faire vivre, mais aussi par sa capacité à interpeller le public, à le faire réagir, et s’exprimer.
5 commentaires »
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j’aime bien ce 100jours
de la production à la diffusion c’est un acte politique…
au fait ferez-vous les 1O1,102,etc…
Commentaire par christiane — Vendredi 2 février 2007 @ 16:33
Toutes les initiatives sont bonnes tant qu’elles s’inscrivent sincèrement dans le champ de la libre et vraie expression publique. Par vraie, j’entends celle qui investit, ose et s’investit. Les générations précédentes saturées de consumérisme ont tellement cultivés le Y’AKA, par défaut et déficite de la chose publique, qu’un malaise et une sorte d’impuissance se sont emparés de l’esprit de nos concitoyens.
En face,des appareils huilés à la comm’ jugulent,modèlent transforment cette parole. Don’t trust the politicians.
MERCI à 100 jours pour conjuger énergies et utopies jusque dans sa typo, merci pour la référence à Marguerite Duras. Excusez ces louanges, mais j’apparaît dans un de ces films.
Commentaire par bourgoin didier — Vendredi 16 février 2007 @ 18:00
Le projet, ce que j’en ai compris ; si je prends la liberté d’exposer mes vues c’est que ce projet que vous développez depuis près de trois semaines est passionnant, tant par son contenu que par la démarche de mise en oeuvre que vous prônez, et que j’ai envie de partager les réflexions et les sentiments qu’il m’apporte.
1 l’intention : exposer le rapport personnel (intime) à la politique d’individus ordinaires : pourquoi je vote ou ne vote pas. La politique, les politiques m’intéressent ou non. Ce n’est pas militer pour un parti ou un candidat, c’est exposer son rapport à cette partie de la vie qui ce printemps sera très présente.
rassembler une vision multiple pour produire une œuvre collective
2 les contraintes : la contrainte en art propose une unité, une forme ou un cadre rigoureux.
« Les conventions sont arbitraires, ou du moins se donnent pour telles ; or, il n’y a pas de scepticisme possible à l’égard des règles d’un jeu » (Paul Valéry in Variétés “Remerciements à l’académie“), avec la même idée les théoriciens de l’OuLiPo (Queneau, Perec, François Le Lionnais…) réaffirmeront ce fait que la contrainte, l’obéissance à des règles, même absurdes ou arbitraires n’entravent pas la création mais la stimulent.
3 l’objet : 100 jours n’est pas la compilation d’un festival du film documentaire politique, mais « un petit monstre multiforme » de 8 heures 30.
C’est un objet innovant construit selon une démarche moderne, reflet du désir actuel d’un renouveau de la politique. D’une envie de compréhension du monde, de notre monde, où chacun prend conscience qu’il doit agir et se poser par rapport à tous.
Expression collective et multiple d’un besoin de rencontre, d’échange, de compréhension dans le monde clôt et finit de notre planète.
4 l’évolution : 100 jours est une œuvre en marche qui s’auto-produit, ou plutôt s’auto-génère, se nourrit d’elle-même en multipliant les contacts. Des liens se nouent entre les commentaires et les films et pourront certainement s’aider dans une spirale vertueuse.
Que chacun ait conscience qu’il participe à un événement important. Cette aventure multiforme, unique, plurielle, fera date, aussi imparfaite et hésitante soit-elle. Aussi réussi et compréhensible soit-elle.
Commentaire par yvalin — Lundi 19 février 2007 @ 1:38
bah c la grève ou quoi?
la suite! la suite!
il ne faut pas s’arrèter en si bon chemin!
Commentaire par tiptip — Jeudi 1 mars 2007 @ 14:19
100 jours c’est fini !
Ce soir nous saurons si nous devons entrer en résistance ou en vigilance. Quoique. Les deux attitudes seront de mise quelque soit l’élu(e).
Campagne présidentielle riche et résultat serré. Intérêt renouvelé de tous pour les enjeux de demain. Candidats marqués, l’un par un volontarisme débridé, l’autre par le désir de dialogue. Le tyran et le médiateur. Père fouettard contre mère courage. Enfin, j’exagère, mais c’est un peu l’image qu’ils aimeraient nous offrir.
Et 100 jours dans tout ça ? Initiative démocratique, initiative citoyenne. Désirs de comprendre. Désirs de s’impliquer.
Quel bilan après trois mois et demi, 100 films, plus de 50 rélisateurs, plus de 800 commentaires ? À chaud, je dirai que certains films m’ont enchanté, d’autres énervés, ou laissé indifférents. Mais je ne livrerai pas ici mon palmarès ; ce que j’affirmerai est que ce fut une belle aventure, et que j’ai suivi, à 700 kilomètres de distance, avec attention et plaisir l’avancée et le déroulement du projet.
Merci à Isabelle – Zoé – Odile (IZO 2007, la nouvelle norme cinématographique ! ) d’avoir osé se lancer dans cette équipée, merci à tous leurs complices d’avoir eu l’audace ou l’inconscience de se laisser convaincre.
Commentaire par yvalin — Dimanche 6 mai 2007 @ 12:01